mardi 17 novembre 2015

Vue macro : le mythe de la normalisation

* Données chinoises mixtes cette semaine
* Forte hausse des anticipations d’inflation malgré la nouvelle chute du pétrole
* Le mythe de la normalisation pour 2016 après celui de la reflation cette année ?
Toutes nos pensées à Exane BNPP vont aux familles des victimes après l’horreur des carnages à Paris. Mon email hebdomadaire me paraît très futile par rapport à l’actualité, mais je vous livre tout de même mes pensées de la semaine.
Les marchés actions ont corrigé cette semaine après une hausse de 6 semaines. Le secteur pétrolier a connu la plus forte baisse suite à la nouvelle chute du prix du baril. Mais la Chine a aussi joué un rôle avec des données mixtes en-dessous des attentes cette semaine.
En effet, la production industrielle chinoise montre des signes de stabilisation en octobre mais nous attendions une meilleure performance. Les données de crédit ont également été décevantes alors que la croissance monétaire accélère avec le soutien de la PBoC. Bien que l’économie chinoise ne soit pas aussi mauvaise que certains l’estimaient cet été, beaucoup d’investisseurs ont besoin de données plus solides pour avoir une meilleure visibilité sur la Chine pour 2016.
Il est clair que le secteur manufacturier chinois va continuer de déstocker dans les prochains trimestres. Même si toute dépréciation du Renminbi devrait être modérée selon nous, le déstockage chinois va engendrer des pressions désinflationnistes pour l’économie mondiale. Cependant, comme les peurs d’une récession mondiale se sont affaiblies, il est important de noter que les anticipations d’inflation ont nettement monté depuis leurs points bas de mi-septembre. Les swaps d’inflation 5 ans dans 5 ans sont désormais proches de 2,2 % aux US et 1.85 % en Zone euro.
Cette reprise des anticipations d’inflation peut être expliquée par deux facteurs. D’une part, la production industrielle mondiale semble avoir atteint un creux récemment et il y a eu des attentes de plus en plus fortes d’un certain rebond dans les prochains mois. D’autre part, l’inflation est quasiment assurée de remonter dans les prochains trimestres compte tenu des effets de base des prix de l’énergie. Certes, les prix du pétrole ont perdu 10 % récemment, revenant à leur point bas d’août. Les réserves mondiales de pétrole ont atteint un plus haut jamais connu depuis 80 ans, en partie à cause d’un automne doux pour les pays du nord alors que la production de l’OPEC a surpris à la hausse. Mais il faudrait une chute bien plus forte des prix du pétrole (vers USD20pb) pour garder l’inflation aussi basse qu’elle ne l’est aujourd’hui.
Au final, cela signifie que les peurs de déflations de cet été pourraient être temporairement derrière nous pour les prochains mois. En d’autres termes, le consensus a été trop négatif sur les perspectives d’inflation. Nous sommes loin de penser que l’économie mondiale est entrée dans une nouvelle période d’inflation normalisée. Les surcapacités mondiales persistent, l’ « uberisation » de l’économie se poursuit et le secteur privé continue de se désendetter. Mais comme je le disais plus tôt, le consensus a été trop négatif sur l’économie mondiale et notamment la Chine il y a quelques mois. Si nous avons raison et que l’économie mondiale est au début d’un mini-cycle, la hausse des anticipations d’inflation pourrait nourrir le mythe que l’économie mondiale pourrait commencer à se normaliser. Si c’est le cas, le mythe de la normalisation pourrait être un thème économique clé pour les prochains trimestres, comme l’a été celui de la reflation au premier semestre cette année.
Ce mythe pourrait d’ailleurs être renforcé par la tentative de normalisation des taux de la Fed. Les marchés mettent désormais une très forte probabilité de hausse le 16 décembre. Le taux US à 2 ans a atteint ainsi son plus haut niveau depuis 5 ans et demi vers 0,9 % et l’EURUSD est dans la partie basse de sa zone de fluctuation entre 1,05 et 1,15 depuis un an, notamment depuis le ton accommodant de Draghi. Plus généralement, Yellen a elle-même souligné plusieurs fois que le désendettement du secteur privé US pourrait être terminé et que le système bancaire avait complètement retrouvé son bon fonctionnement après la crise financière. Les convictions sont pour l’instant faibles sur l’économie mondiale et plus généralement sur les marchés ; ce sont des conditions fertiles pour créer des mythes.
Bonne semaine
Pierre-Olivier
Most recent Exane Economics research
EUROPE: Well equipped for 2016 (Download)
GLOBAL: Are we turning a corner? (Download)
INNOVATION SPECIAL : Germany & the Dragon – a cerebral affair (Download)
UNITED STATES: Low long-term U.S. yields are here to stay (Download)
FRANCE: Resilient for now (Download)
____________________________
Pierre-Olivier BEFFY

Chief Economist – Exane BNP Paribas

pierre-olivier.beffy@exane.com

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire