lundi 2 novembre 2015

Investir dans le Pétrole – Joyeux Oilloween !

C’est une étrange coïncidence, mais à l’approche d’Halloween, le marché du pétrole s’acharne à effrayer son public. D’ailleurs, quand on y pense, tous les marchés subissent actuellement une tornade émotionnelle digne de la série de films d’horreur éponyme ! Les prix du pétrole semblaient se diriger lentement vers des niveaux que l’on n’avait pas vu depuis le mois d’aout, et juste au moment où vous vous habituiez à l’anxiété latente qui vous enveloppait, ils ont explosé comme une vulgaire boite à surprise, remontant de 6% sans raison apparente. Entretemps, la FED faisait durer le suspense… le suspense sur ses décisions, sur la réaction des marchés, sur les conséquences de leur décision par rapport à leur prochaine décision… La FED sait comment entretenir l’effroi qui vous habite, et réapparaitre quand vous vous y attendez le moins… D’ailleurs, il faudrait l’appeler la Feddy, en l’honneur de Freddy Krueger, l’antagoniste des Griffes de la Nuit.
Mais restons dans notre propre film d’horreur. Après avoir cassé le support à US$ 43.50, le WTI semblait prêt à continuer sa baisse. Tout le monde s’attendait à un rapport de stockage hebdomadaire bearish, ce qui fut le cas pour le brut, mais fut légèrement moins bearish que prévu pour les produits. La réaction fut explosive : Le WTI prit 6% en quelques heures, et même une brutale remontée du dollar ne suffit pas à tempérer sa course. Etait-ce justifié ? Les choses ont elles changé ? Croyez-le ou pas, cette histoire a tous les ingrédients d’un film d’horreur, jusqu’au fait qu’une fois que vous l’aurez vu, et que vous aurez rallumeré les lumières, vous vous demanderez si personne ne se cache sous votre lit…
D’abord, il faut une bonne dose de paranoïa. La veille du rapport, je discutais de la baisse des prix avec un autre professionnel du marché pétrolier. Nous constations avec satisfaction que le pétrole se rapprochait de US$ 42.50 le baril, mais malgré un nombre conséquent de fonds directionnels qui s’étaient mis short, nous nous demandions ou pouvaient bien être les Bulls. Mon ami me rappela que la fin du mois était proche, et que plusieurs Bulls recevraient un influx d’argent frais de la part des « obsédés de la hausse ». Nous nous mettions donc d’accord de rester prudent et de ne pas nous aventurer dans des ruelles obscures. Le marché était donc survendu, et près des supports juste avant la fin du mois. Juste avant le rapport de l’EIA, le marché commença une rapide ascension. Tous les bons films d’horreur se basent sur une rumeur, et la rumeur dit qu’un fond « black box » aurait acheté 17,000 lots de Brut WTI pendant que tout le monde attendait. Cela sema l’effroi parmi les joueurs directionnels qui pris de panique, poussèrent les prix à la hausse en hurlant !
Ceux qui prennent uniquement des paris directionnels dans ce marché ont la vie dure, et ce Mercredi ne fut pas une exception. Pourtant, au milieu de la cohue, mon camarade et moi discutions tranquillement des dessous de la montée, tout en nous félicitant mutuellement de surtout traiter des valeurs relatives. Vous ne devriez pas être surpris d’apprendre que mis à part le Brent-WTI, peu de choses ont changé pour les valeurs relatives, et que l’industrie du trading en pétrole a observé le mouvement de panique avec l’amusement typique de l’adolescent des années 80 qui a vu tous les films susmentionnés au moins 42 fois (suites incluses bien sûr)
En fait, le marché nous a gracieusement fait don de la parfaite illustration des dangers de l’investissement directionnel. Vous pouvez tomber dans un piège baissier aussi facilement que dans un piège haussier. Pour éviter de voir vos profits se faire massacrer à la tronçonneuse, je vous recommande les valeurs relatives. Elles se divisent en 4 groupes principaux :
  • Les marges de raffinage : Si vous pensez qu’elles vont baisser, vendez le produit, et achetez le brut en quantité équivalentes. L’inverse si vous êtes bullish.

  • Les arbitrages géographiques : Si vous croyez que l’Europe sera plus forte que les US, vous pouvez acheter le Brent et vendre le WTI.

  • Les time-spreads : Les marchés bearish tendent vers le contango, les bullish vers la backwardation. C’est aussi une manière moins risquée d’être directionnel.

  • Les Arbitrages de qualité : Si vous pensez qu’un produit vaudra plus qu’un autre, vous pouvez l’acheter et vendre l’autre.
Ces stratégies « market neutral » ne minimisent pas seulement votre risque, elles introduisent la diversification dans votre portefeuille sans que vous n’écartiez votre concentration de l’industrie du pétrole. Ce sont les vraies stratégies utilisées par les traders, et non pas les paris directionnels. Pour un exemple à grande échelle, prenons TOTAL. Le grand major français a subi une baisse des revenus à cause de la baisse des prix du pétrole, mais il a quand même réussi à dépasser les attentes le trimestre dernier grâce aux performances du raffinage. Pour ceux d’entre nous qui ne sommes pas des majors, l’alternative est une diversification à travers des paires de valeurs relatives. Vous allez surement me faire remarquer qu’il est déjà impossible de trouver un véhicule d’investissement qui soit absolument concentré sur le pétrole, pour parler d’un qui en plus traite vraiment ces valeurs relatives… Mais n’oubliez pas, qui cherche trouve !
La situation sur le marché du pétrole reste difficile, et malgré l’euphorie autour du sursaut des prix, la balance de l’offre et de la demande reste inchangée. Tout le monde produit à plein pot et la production US reste à 9.1 millions de barils jour. De Statoil à Shell, tout le monde souffre le martyr, les projets se font trucider, et les dépenses découper en rondelles à mesure que l’industrie se prépare à survivre à une année 2016 sous le signe de prix bas. La demande n’a pas l’air mieux, et la montée du dollar rendra le pétrole plus cher pour les autres pays. La cerise sur ce gâteau bearish est la prédiction qu’aux US, l’hiver sera doux. Le Gaz naturel a chuté sous les US$ 2.00 par MMBtu, et cela ne présage rien de bon pour le pétrole.
Le rapport de l’EIA attendu dans la frayeur a annoncé une baisse des stocks de brut de 3.4 millions de barils, comme prévu par les analystes. Comme nous l’avons expliqué plus haut, une combinaison de facteurs techniques et psychologiques a mené à un sursaut des prix de 6%. Le WTI a mené le bal, nous incitant à quitter notre position de Brent-WTI à 3.15 ce qui reste joliment profitable. Si l’on revient à US$ 2.50, nous rachèterons. Nous sommes très prudents pour 2 raisons : D’abord le gouvernement US vient d’autoriser 75,000 barils jour d’exports vers le Mexique, et ensuite, l’Iran pourrait être bientôt de retour, et le Brent pourrait en faire les frais. Notre position de Dec-Jan WTI était à la monnaie avant le rapport, avant de détériorer de 10 cents à US$ 0.80 en contango après. Comparé au mouvement direction d’US $ 2.50, ce n’est pas si grave, et nous pensons qu’une fois passé le vent de panique, les prix du brut reprendront leur chute.
Les stocks de distillats ont baissé de 3 millions de baril suivant une tendance désormais familière. La production US dépasse toujours la demande, mais les exports continuent à inonder le marché européen où certains raffineurs commencent à souffrir. Les stocks sont bien au-dessus de l’année dernière, et la marge n’est remontée qu’à US$ 17.50, ce qui est plutôt faible pour un rapport soi-disant bullish. Nous sommes heureux d’avoir préféré acheter la marge de gazoline.
Les stocks de gazoline ont baissé de 1.1 millions de barils malgré que l’offre continue d’excéder la demande. Nous avons revendu notre longueur de marge de gazoline à US$ 10.28 que nous avions achetés à 8.25. Nous attendons l’évolution des prix et du reste de la maintenance avant d’agir.
C’est d’ailleurs la période de maintenance la plus faible des cinq dernières années, et la force des marges en a motivé plus d’un au zèle. Les raffineries Européennes et Asiatiques pensent peut-être réduire le rythme, mais ce ne serait qu’au bénéfice des exports US. Cela risque aussi de provoquer des maintenances bien plus grandes en 2015, ce qui mènerait à des augmentations massives des stocks de brut.
Vous trouverez ici-bas nos graphes habituels. Ils représentent l’évolution des stocks de brut, gazoline et distillats (heating oil, diesel et jet fuel), ainsi que les niveaux de raffinage. Ces graphes montrent l’année en cours par rapport au plus haut/ plus bas des cinq années qui la précèdent. Ils sont publiés par l’EIA de manière hebdomadaire, et sont utilisés par les traders pour analyser l’offre et la demande. L’échelle est en milliers de barils sur les 52 semaines qui composent l’année
STOCKS DE BRUT US
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Les stocks commerciaux US: encore plus ! (Source: EIA)

RAFFINAGE US
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Le raffinage : Maintenance ? Où ça ? (Source: EIA)
STOCKS DE DISTILLATS US
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Stocks de Distillats… on baisse, mais ça reste bien au-dessus de 2015 (Source: EIA)

STOCKS DE GAZOLINE US
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Les stocks de Gazoline…au plus haut… (Source: EIA)
Mohab Kamel
Magma Oil Sàrl.
E-Mail: mkamel

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