samedi 7 novembre 2015

Les parachutes dorés, c’était mieux avant (quoique maintenant, c’est bien aussi)

Article paru dans le Banco N°93 – Novembre 2015
Je sais que, dans ce métier, nous sommes censés avoir la mémoire d’un poisson rouge, et que nous oublions les choses aussi vite qu’elles nous font paniquer dans l’instant présent. Mais je dois dire que la manière avec laquelle nous avons oublié l’épisode des packages de départ indécents des grands patrons me fait me poser des questions sur nos capacités cognitives et notre faculté à nous souvenir où nous avons garé notre voiture la veille au soir. Si je me souviens bien, dans les années 2008, alors que la fin de la crise des subprimes faisait rage, la moitié des “top executives” qui se faisaient virer avec pertes et fracas, ne quittaient pas leur bureau à moins qu’un chèque avec plein de zéros leur soit posté en recommandé. En ce temps-là, on avait râlé, couiné, gémi. C’était tout de même un scandale: les “coupables” en question n’avaient strictement rien fait pour mériter tout ça, et en plus, il était écrit qu’ils n’auraient plus jamais besoin de travailler.
D’ailleurs au vu de l’énormité de certaines erreurs, on peut presque se demander si les gars n’avaient pas fait exprès, histoire de prendre des vacances gratuites aux frais de la princesse.
Une chose est sûre, à l’époque, les politiciens qui nous dirigeaient – dont certains sont encore là – nous avaient promis-juré-craché que ce genre d’évè- nement ne se reproduirait jamais! Plus jamais on ne laisserait des demi-escrocs partir à la retraite avec des montagnes de dollars injustement gagnés.
Etonnamment, depuis quelque temps, nous semblons avoir oublié ce qui s’est passé pour mieux retomber dans les mêmes travers. La seule différence, c’est qu’à l’époque tout le monde était choqué par ce qui se passait et trouvait cela scan- daleux. L’ensemble de la profession et du grand public était prêt à voter à gauche et à descendre dans la rue pour se mêler aux 1%, histoire qu’ils deviennent 2%.
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Non, je dis ça parce que ces derniers jours, la liste des parachutes dorés s’allonge lentement dans les médias et personne ne bronche. Tout le monde trouve cela scandaleux, mais s’en “indigne discrètement”.
Capture d’écran 2015-11-06 à 21.16.43Tout d’abord, il y a eu le patron d’Alcatel, qui a soldé sa société aux Finlandais de chez Nokia. Si on creuse un peu le sujet, on se rend compte que tout le monde est incrédule, personne ne comprend comment on a pu brader une compagnie à un prix aussi bas. Même les gars d’Helsinki ne comprennent pas encore comment ils ont pu avoir autant de chance. Du coup, l’ex-boss d’Alcatel essaie de faire croire au monde entier qu’il a simplement fait son boulot, oubliant de mentionner que le contrat spécifie (en tout petits caractères) qu’il partira avec 14 millions d’euros.
Forcément, pour ce prix-là, j’aurais aus- si vendu ma société. J’aurai même donné ma collection de cravates contre une paire de tongs pour partir définitivement en vacances. Personne n’a bronché.
Ensuite, il y a eu l’affaire Volkswagen. En dehors du fait que le monde entier a soudainement découvert que le diesel, ça pue et ça pollue – un peu comme l’armée d’ailleurs –, on a eu le plaisir d’entendre, dès que Monsieur Winterkorn a quitté le navire en perdition, qu’il pourrait toucher la bagatelle de 67 millions d’euros. Bon, il faut dire qu’avec la réputation qu’il va se traîner jusqu’au cercueil, il va tout de même lui en falloir de l’argent, pour survivre d’ici-là – même s’il n’est plus de première fraîcheur.
Dans ce cas présent, la presse de gauche a un peu fait mine de grommeler, mais sans que cela prenne d’énormes proportions. Et je crois sincèrement que si Angela Merkel ne s’en était pas mêlée, l’ex-patron de VW serait parti par la petite porte avec sa grosse valise et on n’aurait plus jamais entendu parler de lui.
Mais passons au dernier en date, qui est tout simplement formidable. Je ne sais pas si vous avez vu, mais Michael Novogratz, gérant du fonds Global Macro de chez Fortress (gros, gros hedge fund américain) a également décidé de poser les plaques et de faire autre chose de sa vie. Il faut dire que 2015 n’a pas été facile pour lui. Son fonds a perdu 17.5%. Et l’année n’est pas finie: rien qu’au mois de septembre, il perdait 4.5%.
Il est vrai que c’est plus simple de quitter le bateau avant qu’il ne coule que quand il gît par 300 mètres de fond. Ce brave Michael, ex de Goldman Sachs et star de la finance, a donc décidé de prendre sa retraite pour aller faire “autre chose”. Il faut dire qu’avec les 255 millions de dollars qu’il a négocié avec sa société, ça devrait bien se passer.
Et pendant ce temps, les clients qui étaient investis avec lui se retrouvent le bec dans l’eau, avec 17.5% de perte, rien que pour cette année et à ce jour. Je n’ai pas encore entendu un homme politique se pointer à la télé pour dire “que ça ne se reproduira plus”. Tant mieux, parce que pour être franc, on ne le croirait pas.
Thomas Veillet – Investir.ch

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