jeudi 11 février 2016

MAGIC CIRCUS ! par Thomas Veillet (investir.ch)

Ce qui me fait plaisir, c’est que l’on vit vraiment dans un milieu qui sait clairement ce qu’il se veut. Les décisions que l’on prend tous les matins sont fermes et définitives.
EN TOUS LES CAS PENDANT LES 5 MINUTES QUI SUIVENT.
Après c’est une autre chose. Il y a donc pas plus de 36 heures, un vent de panique soufflait sur le secteur bancaire, on parlait de crise équivalente à celle de 2008, il y avait même des gars qui pensent que ça pourrait être pire. D’ailleurs, je ne suis pas loin d’être convaincu que certains « experts » ont déjà commencé à écrire sur l’oraison funèbre de certaines banques, Deutsche Bank faisant certainement parties des candidats sur le podium des oraison les plus larmoyantes.
Mais voilà, quand c’est évidemment, c’est évidemment faux. Après avoir déclaré qu’ils avaient assez de fonds propres pour assumer leurs échéances vis-à-vis des créanciers, après que le CEO de la Deutsche ait confirmé que sa banque était plus que solide – les mots « solide comme un rock » – ein grosse Felsen – et que le marché lui ait répondu en lui crachant sur les pieds et en démolissant le titre de près de 15% en deux jours, la banque allemande s’est vengée en annonçant un rachat massif de ses dettes obligataires, mettant immédiatement tous les shorts à poil et en filant deux paires de baffes aux types qui étaient long CDS sur la Deutsche pour leur retraite à Ibiza.
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Le titre remontait de 10% hier. Ce qui est assez sympa, c’est que ça me rappelle furieusement l’automne 2008 – un automne où il faisait beau, un automne qui n’existe que dans le Nord de l’Amérique, là-bas on l’appelle l’été indien. Cet automne-là, les banques avaient décidé de mourir comme des mouches, comme des soldats qui débarquèrent un jour de juin sur une plage de Normandie.
Après cet interlude poétique, je me rappelle que les variations de 10% dans la journée étaient monnaie courante. La différence avec aujourd’hui, c’est qu’aujourd’hui, c’est uniquement les titres qui bougent de 10% dans la journée et pas les indices. Logiquement, les indices, ça devrait venir vu la mentalité de psychopathe instable qui traîne dans le marché en ce moment.
Donc la Deutsche Bank est remontée comme un corps plongé dans l’eau qui est remonté après moins de 5 minutes et qui donc, respire encore. Le titre explosait et envoyait un message de soulagement pour le secteur qui se sentait soudainement pousser des ailes. Des petites ailes, mais quand même.
L’Italie, qui est tout de même un des marché du monde qui s’est pris la plus grosse dégelée depuis de l’année aura été la star du jour. Il est vrai que vu que la plupart des banques italiennes s’étaient faites désossées propre en ordre depuis le début de l’année, le retour des morts-vivants était d’autant plus spectaculaire. Le MIB reprenait près de 5% hier. Et tout le monde criait au rebond après avoir crié au loup depuis une semaine.
Ce qui est bien en ce moment, c’est qu’il ne manque plus qu’à que les présentateurs de CNBC viennent sur le plateau avec un gros nez rouge et des grandes chaussures et qu’ils commencent Squawk Box en disant «Bonjour les petit n’enfants, comment ils vont les petits n’enfants »… Enchaînant ensuite une série de spectacles de jonglage avec des écrans Bloomberg, finissant l’émission avec une bagarre de tartes à la crème avec leurs cravates attachées sur le front…
En gros c’est le cirque le plus total. Je pense que les meetings avant spectacle au cirque Knie sont plus sérieux que ce que l’on observe actuellement sur les marchés financiers.
Pour faire simple, le secteur bancaire a retourné les marchés européens comme des crêpes, en Italie, les 5 meilleures performances de la journée sont des bancaires. L’UBS reprenait 5.4%, le Crédit Suisse 3.3% – son CEO ayant d’ailleurs déclaré dans la foulée que le sell-off bancaire en Europe était « overdone ». En France, la Société Générale montait tellement fort que pendant un moment on a presque cru que Kerviel avait remboursé ce qu’il devait, le titre terminait en hausse de 9%. La BNP bondissait de 4.9% et AXA explosait de 6.65%. Même LafargeHolcim reprenait 6%, bien qu’ils ne soient pas une banque. Les anciens se souviendront qu’Holcim se fût appelé un jour « Holderbank », mais ils n’ont toujours vendu que du ciment.bubb
Bref, une bonne journée de délire sur la terre, comme souvent dans le monde merveilleux de la finance.
Et puis aux USA, on attendait avec impatience le concert live et acoustique de Yellen devant le Congrès. Elle n’a pas déçu son public, même si l’on sentait bien que le délire n’était pas vraiment dans la salle, on a eu la bonne surprise d’entendre qu’elle n’excluait pas de continuer à monter les taux – sous-entendant que l’économie n’allait pas si mal que l’on veut bien se le dire dans nos rêves les plus noirs – le marché est donc parti à la hausse et ensuite elle a dit qu’elle monitorerait attentivement le pouls de l’économie, juste au cas où il y aurait besoin de ne plus monter les taux, voir de les baisser…
Ça, par contre, cette preuve d’incertitude a moyennement fait plaisir aux intervenants et le marché est parti à la baisse. L’autre bonne nouvelle c’est que Yellen a déclaré devant le Congrès « qu’elle n’était pas certaine que mettre les taux en négatif était LÉGAL »…
Alors de deux choses l’une : soit c’est TRÈS inquiétant de voir que la patronne de la FED ne sait même pas ce qu’elle a le droit de faire, soit cela veut dire qu’elle pense tellement que ça n’arrivera jamais qu’elle n’a même pas pris la peine de vérifier. Dans le doute, le marché a continué à s’effriter.
Autre chose étrange. Alors que tout le monde est convaincu depuis trois semaines que le pétrole est THE INDICATOR ECONOMIC OF THE WORLD, aujourd’hui, personne n’a même pris le temps de noter qu’il s’est fait démonter et termine à 27.50$, on était bien trop occupé à se pâmer devant la remontée des banques et la robe bleue électrique hyper-sexy- coupe-sac-de-pommes-de-terre de Madame Yellen pour constater le malaise du baril.
En ce qui concerne le baril, les chiffres des inventaires sont toujours très forts et le patron de BP a carrément dit que d’ici la fin de l’année 2016, toutes les piscine du monde seraient remplient de pétrole, parce qu’ils ne savent plus quoi en faire… Autant vous dire que le concept de l’offre et la demande subit un impact terrible, surtout du côté de l’offre.
Pour résumer la journée d’hier en trois lignes ; l’Europe est remontée parce que les banques avaient trop baissé, les USA ont ouvert en hausse parce qu’ils étaient convaincus que Yellen allait être bonne pour l’économie et puis ensuite ils se sont rendus compte qu’elle n’en savait pas plus que nous et qu’elle pilotait à vue, donc le marché est revenu à zéro. On s’est « à peine préoccupé du pétrole » qui est au plus mal – à 26.80$ ce matin – mais on s’est fait la promesse d’y revenir ce matin à la première heure.
Pendant ce temps-là, l’or est à 1206$, parce qu’on aime bien se sentir en sécurité avec plein de métal jaune autour de soit, ça rassure
Ce matin, nous commençons tout de suite la journée dans une ambiance qui donne envie de se tirer en vacances. La Chine est TOUJOURS fermée pour cause de nouvel an et en plus le Japon est fermé aussi pour le « National Founding Day » – au moins comme ça, le Nikkei ne baisse pas. Par contre, le seul marché qui est ouvert dans la région, c’est Hong Kong. Et comme Hong Kong a été fermé pendant plusieurs jours, forcément ils doivent rattraper le retard accumulé. L’indice Hang Seng traite donc actuellement en baisse de 4%. Ce n’est pas que cela doit changer la face du monde, mais pas mal de monde va se faire une frayeur en voyant les écrans ce matin.
Je précise donc que c’est normal… Le Hang Seng ne baisse pas à cause du discours de Yellen hier soir, il baisse pour tout ce qui s’est passé depuis le début de la semaine. Il se fait juste un retour dans le passé. Bon, dans le doute, les intervenants sont tout de même déjà en train de taper sur le future S&P qui recule de 0.5%. Mais soyons positifs, tout espoir n’est pas perdu et qui sait, lors de son SECOND témoignage de la semaine, face au « Joint Economic Committee » cette après-midi, il se pourrait que Janet Yellen ait trouvé l’article de loi qui lui permette de mettre les taux en négatif et peut-être que sa manière de s’exprimer motivera les psychologues du marché pour trouver que c’est moins mauvais qu’hier et plus motivant, qui sait. Franchement, en ce moment, comme nous sommes dans un grand cirque qui va dans tous les sens, tout peut arriver.
explainedHier soir après la clôture, Tesla a publié ses chiffres. Grosso modo, ils sont passés complètement à côté des attentes des analystes, mais comme en ce moment, ce qui compte c’est plus les perspectives qu’autre chose, ils s’en sortent plutôt pas mal au hors bourse, puisque le titre bondissait de 10% hier soir tard.
Elon Musk a encore une fois envouté les spectateurs de la présentation, il a promis un futur magnifique et a expliqué que les retards de livraison du modèle X étaient à cause de sa « complexité » et que probablement que Tesla n’aurait jamais du se lancer dans un projet comme ça, mais il a visiblement un tel talent pour se faire aimer des analystes et des journalistes, que le titre montait quand même. Je pense sincèrement que n’importe quel autre CEO se serait fait écharper par la critique, mais pas Elon Musk.
Tesla a perdu 40% depuis 12 mois dont 33 depuis le début de l’année, les 10% de rebond hier ne demandent qu’à être confirmés à l’ouverture aujourd’hui.
Twitter a également publié ses chiffres trimestriels. Le Q4 est inchangé en terme de nouveaux utilisateurs par rapport au Q3 et la société y voit des signes de stabilité. C’est moyen comme argument de vente. Le titre perd 3% after close et tente de rassurer le marché comme quoi les utilisateurs sont toujours fans… La seule chose que l’on peut dire sur Twitter, c’est qu’ils sont toujours là et font partie du paysage des réseaux sociaux, même si l’on ne l’utilise pas autant que Facebook, ils vont bien finir par se faire bouffer un jour.
Dans les autres nouvelles du jour, on apprend que Pershing Square, le fonds de Bill Ackman est en train de se faire annihiler en ce début d’année. Déjà que 2015 ne fût pas bon – en perdant 20.5% – voici que jusqu’au 9 février, il a déjà perdu 18.6%. Il est maintenant short sur la Chine et short sur l’Arabie Saoudite. Ce qui est extrêmement courageux… ou désespéré.
Et puis, pendant que tout le monde a les yeux fixés sur Twitter et Tesla, Cisco a battu les attentes des analystes sur le trimestre. Ils ont même gagné de l’argent, eux. On attendait 54 cents par action, la compagnie a annoncé 57 cents. Le titre prend 6% après la clôture et ils ont rajouté 15 milliards à leur programme de rachat d’actions.
Dans le Barron’s on estime que Disney est sur des niveaux d’achat et on s’inquiète de voir les marchés s’effriter et les banques centrales incapables d’inverser la tendance. Je suis également obligé de parler de la couverture du Barron’s… Cette semaine, la page de couverture du magazine représente un baril de pétrole sur lequel il y est écrit : « Here comes $20 Oil ». En général, quand le Barron’s fait des prédictions aussi claires, c’est l’inverse qui se produit. Ceci mis à part, ils pensent que le pétrole va à 20$, mais que d’ici la fin de l’année, il sera de retour à 55$. Une chose est certaine, il semble clair que le prix du pétrole n’ira jamais à 19.50$, puisque tout le monde pense que 20 sera, comme par magie, le niveau le plus bas de selon leurs feuilles excel..chiness
Autrement le Gouverneur de la Banque de France, Monsieur François Villeroy de Galhau estime que les marché sur-réagissent à la baisse et que, je cite ; « la volatilité boursière n’impacte pas la reprise en France ». On est content de savoir qu’il y a une reprise en France.
Côté chiffres économiques, nous aurons le CPI en Suisse, le Meeting de l’Eurogroup, les Jobless Claims aux USA et le second témoignage de Yellen pour ceux qui n’ont pas compris qu’elle n’a aucune idée de ce qui va se passer dans les 6 prochains mois. Ni dans les 12 prochains d’ailleurs.
Pour le moment, les futures sont toujours en baisse de 0.4% parce qu’Hong Kong se fait défoncer et que le pétrole est au plus mal. L’Euro/$ est à 1.1291, le Yen vaut 112.71, la Livre est à 1.4528, le $/Suisse vaut 0.9719, l’Euro/Suisse est à 1.0975. Le Bitcoin est à 384$ et le rendement du 10 ans US est de 1.67%.
Voilà… La journée d’hier aura été du tout grand n’importe quoi et le pire, c’est que quand l’on voit ce que l’on voit, on peut se dire que ce n’est pas fini..
Moi je m’en vais vous souhaiter une excellente journée, un très beau jeudi et je vous retrouve demain pour une nouvelle et dernière chronique avant la version vacances.
Très belle journée et à demain !
Thomas Veillet
Investir.ch
“A fanatic is one who can’t change his mind and won’t change the subject.”
― Winston S. Churchill
Serge Poznanski

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