Le danger, avec ce qui se passe en ce moment, c’est que mon métier, chroniqueur boursier (en admettant que ce soit un métier) est voie de disparition. Non pas parce que plus personne ne veut le faire ou ne sait le faire, mais surtout parce qu’il nous manque de plus en plus de « matière », de « gras » à se mettre sous la dent. Il y a des phases de marché où soudainement, on ne sait plus quoi raconter et du coup, on tourne en rond en racontant toujours les mêmes choses barbantes, stupides et inintéressantes.
Tenez, rien que pour résumer la journée d’hier, ce matin je pourrai le faire en deux lignes :
« Les marchés on vécu leur pire séance de ces dix derniers jours parce que le pétrole a baissé sur les commentaires d’Al-Naimi, Ministre du Pétrole de l’Arabie Saoudite »
Ok, deux lignes et demie. Et encore, j’ai meublé.
Nous sommes en train de rentrer dans l’époque des « minimalistes ». Une saison qui réduit la réflexion du trader à une réflexion binaire :
1) le pétrole monte, ça veut dire que l’économie va bien, j’achète des actions
2) le pétrole baisse, ça veut dire que l’économie va mal, je vends mes actions et je me met short en hurlant à la récession
2) le pétrole baisse, ça veut dire que l’économie va mal, je vends mes actions et je me met short en hurlant à la récession
Et pendant ce temps-là, les types qui traitent le pétrole, les vils spéculateurs sanguinaires qui affament la planète selon les socialistes suisses, eux, ils ont une autre réflexion binaire :
1) on s’autorise à penser dans les milieux autorisés qu’un accord secret pourrait être conclu pour réduire la production de pétrole et, in-extenso, faire monter le prix du baril, donc j’achète des barils de pétrole, voir des tankers et éventuellement des futures.
2) on s’autorise à penser dans les milieux autorisés qu’AUCUN accord secret NE pourra être conclu pour réduire la production de pétrole et, in-extenso, ça va faire baisser le prix du baril, donc je vend des barils de pétrole, voir des tankers et éventuellement des futures.
2) on s’autorise à penser dans les milieux autorisés qu’AUCUN accord secret NE pourra être conclu pour réduire la production de pétrole et, in-extenso, ça va faire baisser le prix du baril, donc je vend des barils de pétrole, voir des tankers et éventuellement des futures.
Et derrière tout ça, le marché suis comme un idiot. En masse. Sans se poser de question. Un troupeau de moutons qui ne se pose pas de question. Une horde de lemmings prêts à sauter la première falaise qui leur tombe sous la main et de recommencer si nécessaire.
En résumé et si vous voulez comprendre ce qui s’est passé hier, il vous suffit de lire la retranscription des commentaires du Ministre du Pétrole Saoudien, Monsieur Ali al-Naimi. Ce dernier a parlé hier dans une conférence sur l’énergie, mais il aurait fait ses commentaires sur YouTube ou dans le magazine Chasse et Pêche, susse été pareil, bon, ça aurait été moins lu dans le magazine Chasse et Pêche, mais vous avez compris l’idée.
Autant vous dire que ce genre de commentaire a suffit pour déclencher une vague de « adieu,veaux, vaches et cochons » et d’envoyer le prix du baril à la casse.
Ensuite Monsieur al-Naimi a rajouté plein de truc à sa petite phrase, mais c’était trop tard, on était passé en mode SEEEEELLLLLLLLL… Et comme je l’expliquais plus tôt, qui dit pétrole qui baisse, dit ralentissement de l’économie, qui dit ralentissement de l’économie, dit récession, qui dit récession, dit faut tout vendre les actions.
Et on a tout vendu les actions : C.Q.F.D
À cela vous rajoutez le fait que la veille nous nous étions arrêtés juste pile-poil sous les résistances techniques et que Draghi ou Yellen n’avaient pas prévu de venir sur Cartoon Network pour nous annoncer leur intention de sauver le monde économique sans limite et en faisant whatever it takes et que si l’on insiste, they will act, il ne restait donc plus qu’à baisser et à vivre la plus belle séance de baisse de ces dix derniers jours.
Comme quoi il y a encore de l’avenir pour les chroniqueurs boursiers, puisque je viens de vous résumer en deux pages le fait qu’il n’y a rien à dire.
Au passage, on notera que les chiffres économiques en Allemagne étaient immondes. L’IFO est définitivement malade et le moteur de la croissance européenne ressemble plus à une Tesla a qui l’on aurait interdit d’accéder à une borne électrique.
Ce matin le baril est à 31.19$, l’or est à 1229$, il remontait à cause de son effet refuge. EVIDEMMENT. Le Dow Jones a perdu 189 points, le S&P est à 1921 et reculait de 1.46% – tout ça à cause du pétrole qui est passé de 32.60 à 31.19.
Nous vivons dans un monde formidable.
Ce matin, dans un élan de sympathie et de solidarité exacerbée, l’Asie est dans le rouge. Le Nikkei recule de 1.5%, le Hang Seng fait pareil et seul Shanghai ne baisse « que » de 0.2%.
Vous voudriez savoir pourquoi l’Asie baisse ? Essayez le concept du mimétisme.
Le pétrole est trop faible, on ne va pas couper la production finalement, les marchés occidentaux étaient en baisse hier et finalement l’économie ne va pas si bien que ça. Bref, on a tourné la veste et le rallye est terminé.
Jusqu’à que quelqu’un, quelque part, nous annonce un truc cool sur le pétrole et que l’on se refasse le voyage inverse.
Autrement, puisque l’on s’ennuie pour de vrai sur les bourses mondiales, le London Stock Exchange et la Deutsche Boerse envisagent de se marier et de créer ainsi la plus grande bourse européenne. Super. Je cherche le moment où l’on doit sauter sur la table pour célébrer cette nouvelle fantastique dont tout le monde se fout. Le London Stock Exchange a pris 13% et la Deutsche Boerse s’envolait de 3%. Passionnant.
Et puis alors, pour le reste des nouvelles, je dois dire que ce matin, je ferai mieux de vous commenter les résultats des matchs de foot de la ligue des champions qui ont eu lieu hier soir, mais comme je n’y comprend rien, mis à part qu’il faut mettre le ballon au fond des filets et qu’il est interdit de frapper l’arbitre, ça ne ferait pas de sens.
Je me dis que je devrais donc peut-être trouver une autre vocation à ce blog, peut-être parler des enchères de voitures de collection ou alors me plonger dans la complexité de la production de fendant en Valais, ou alors me lancer dans la psychologie de terrain en analysant le comportement des traders et autres Hedge Funds Managers, je suis certain qu’il y a un boulot de fou à faire sur l’effet moutonnier et l’égo surdimensionné de certains.
Bref, côté chiffres économiques, nous aurons l’indicateur de consommation en Suisse, chiffre hyper-excitant au demeurant, je n’en ai pas dormi de la nuit. Mais il y aura aussi les chiffres de la confiance du consommateur en France, les nouvelles commandes industrielles en Italie, les nouvelles demandes d’hypothèques aux States, mais aussi les inventaires pétroliers, on ne sait jamais au cas où ça disait l’inverse de ce qui disait al-Naimi, on pourrait racheter le marché parce que qui dit pétrole qui monte, dit économie qui va bien.. debleu…
Pour le moment on est toujours en mode « pétrole qui baisse », les futures sont donc en recul de 0.2%, l’Asie en baisse, l’Euro/$ à 1.1015, le yen à 111.76, la Livre à 1.3973 (aie, aie, aie… le retour de manivelle en plein dans les dents avec le mot BREXIT inscrit sur la manivelle), les supports sont en train de lâcher. Le $/Suisse vaut 0.9929, le Bitcoin est à 422$, le rendement du 10 ans US est autour des 1.72% et l’Euro/Suisse est à 1.0939… Juste au moment où je commençais à croire que la BNS avait fixé un nouveau plancher à 1.10. Tout fout le camp. Pourtant hier, lors de son discours, Jordan s’est montré satisfait ; sa politique monétaire fonctionne. D’ailleurs s’il pouvait faire quelque chose pour donner un coup de main à Draghi, on serait preneur et puis s’il lui reste un peu de temps, s’il pouvait s’occuper du prix du pétrole, c’est quand il veut.
Voilà. Je dois dire que je suis assez satisfait d’avoir trouvé tout ça à écrire lors d’une journée où il n’y a rien à dire. Que votre expresso-latte-macchiato à 14 francs du Starbucks vous réveille suffisamment pour passer une bonne journée. Moi je vous dis à demain, si vous le voulez bien !!!
Thomas Veillet
Investir.ch
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« Plus on essaie de rentrer dans le moule, plus on ressemble à une tarte »
Serge Poznanski
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