Commençons par les « faits ». Draghi a donc baissé son taux directeur à -0.3% – dorénavant, les banques qui veulent laisser leurs excès de cash dans les coffres de la BCE, seront chargées de 0.3% annualisés contre 0.2%, il y a encore 24 heures. Ensuite, il a annoncé que son programme de QE – plus communément appelé perfusion d’amphétamines économiques – sera prolongé jusqu’en 2017 et non jusqu’en 2016 comme prévu, et en plus il a dit que ça serait jusqu’en 2017 et plus si besoin. C’est donc un « no limit » package.
Globalement, si l’on attendait rien, on peut se dire que c’est une marque de soutien à l’économie européenne, que l’injection systématique de 60 milliards tous les mois devrait bien finir à servir à quelque chose ou alors à tuer définitivement le patient. On peut se dire que Draghi utilise des thérapies douces, mais qu’il est là pour soutenir l’économie.
Le problème de la journée d’hier, c’est que NOUS, experts mondiaux de la finance, visionnaires de l’économie, spécialistes de l’investissement et de la vil spéculation, avions des attentes un peu différentes. Et comme d’habitude, lorsque vous attendez quelque chose avec impatience et que l’on vous donne autre chose qui y ressemble, mais que ce n’est pas vraiment ça, c’est frustrant et il est très difficile de ne pas mal le prendre.
Imaginez, vous êtes à Noël – c’est facile, c’est la saison – cela fait des mois que l’on vous promet que vous aller recevoir le dernier iPad à la mode, celui qui fait « aussi » le café, et là soudainement, sous le sapin, vous avez la biographie de cet idiot de Raoul Weil, forcément, il y a de quoi être déçu, surtout que le livre de Raoul Weil, c’est le seul bouquin que les magasins ne reprennent pas, les mauvais livres de fiction, ce n’est plus à la mode.
Bref, lorsqu’il y a déception, il y a déception. Certains d’entre nous sont capables de dissimuler la déception avec talent (Oooh, une serpillère, c’est formidable !!!)…
Mais dans le cas précis du monde merveilleux de la finance, nous sommes clairement incapables de le faire… Donc quand Draghi nous sert la version light de ce que l’on attendait, la réaction est immédiate ; on vend tout ce que l’on a sous la main pour afficher clairement notre mécontentement et ensuite on se jette par terre en tapant des poings, en se tordant dans tous les sens et menaçant d’arrêter de respirer jusqu’à qu’il nous arrive quelque chose…
Le marché ne fût donc pas content, mais alors pas content du tout. Il faut dire que les désirs de Monsieur Marché était de 0.2% de baisse et pas 0.1% et en plus, il voulait une rallonge de QE, par forcément dans le temps ou sur la durée, mais surtout en ce qui concerne la taille. Ces fameux 25 milliards que l’on nous fait miroiter depuis des semaines, on les voulait… on les méritait. La déception est immense.
On a donc immédiatement couvert les positions short Euro et fait exploser l’Euro/Dollar et puis on a vendu tout ce que l’on avait sous la main, en prenant soin de taper tout spécifiquement sur les valeurs européennes qui bénéficient d’un dollar fort. Daimler, Bayer et BMW ont passé un sale quart d’heure.
Sans compter que quelques minutes avant l’annonce officielle de la BCE, le FT a publié un article qui disait que la BCE n’avait pas bougé son taux directeur. Un article qui était prévu à la publication si EFFECTIVEMENT la BCE ne baissait pas son taux directeur. Mais le stagiaire n’a pas pu s’empêcher de vouloir gagner du temps. Le marché s’est donc planté un peu avant et cela a déclenché le « short covering » sur l’Euro/$ – mais quand cinq minutes plus tard, la BCE annonçait qu’ils baissaient effectivement leur taux directeur, on s’est que dit que « ben tant qu’on y est, on va continuer à couvrir les shorts », même si fondamentalement, la décision de la BCE, même si « trop light » va tout de même dans le sens d’un Euro faible.
Le site Bespoke indiquait à ses clients hier que la chute du dollar était la plus violente depuis le 18 mars 2009 et qu’en général, il ne faut pas attendre un rebond avant un mois. Sauf qu’en 2009, la FED n’allait pas monter les taux dans 12 jours. On retiendra que la baisse des marchés européens était tout de même la plus forte depuis 2009 également. Et au regard de ce que l’on a vu ces dernières années, ce n’est pas peu dire.
Il n’y avait donc rien de nouveau. Pour une fois, l’Europe a pris les commandes de la finance mondiale, mais ça ne devrait pas durer, puisque dans quelques heures nous aurons les chiffres de l’emploi aux USA, dernier chiffre susceptible de mettre le doute sur une éventuelle hausse des taux le 16 décembre.
Pour le reste, malgré le dollar qui se faisait défoncer l’or n’a pas été capable de reprendre plus de 10$. Par contre, le pétrole est reparti à la hausse prenant plus de 2% parce que le dollar nous arrange et parce qu’ils semblerait que l’OPEP est sur le point de trouver un accord global (comme la dernière fois, accord qui a duré 5 minutes) pour mettre enfin un plancher à ce baril qui ne cesse de s’enfoncer toujours plus bas.
Ce matin en Asie, on ne fait pas de quartier non plus, je pense que Draghi est probablement aussi aimé dans la communauté financière en ce moment que doit l’être Erdogan dans les murs du Kremlin. Le Japon plonge de 2.2%, Hong Kong de 1% et la Chine de 1.3%. La bonne nouvelle, c’est que les marchés mondiaux sont unis dans la baisse. Pas exception culturelle, tous dans le rouge.
Dans les nouvelles du jour, alors que l’OPEP se rencontre aujourd’hui à Vienne, Braclays a réduit ses prévisions sur le baril à la baisse pour 2016. Dorénavant, on parle de 56$. Ce qui fait tout même une jolie hausse si l’on achète ce matin à 41.50$.
Autrement Poutine hurle un peu partout à qui veut l’entendre que la Turquie va payer pour avoir cassé son avion. Il me semble que l’on oublie un peu de faire la guerre aux clowns d’islamistes du coup. Et puis tout le monde, l’ensemble des médias du monde de la planète épluchent la journée d’hier et pointent le doigt sur tout le mal que Draghi fait à l’économie européenne et si ce n’est pas à l’économie européenne, c’est aux marchés financiers qui, finalement, intéressent bien plus les médias que les gens qui ne trouvent pas de boulot.
Au milieu de tout cela, il y a au moins une personne qui est contente du boulot de la BCE, c’est la stratège de JP Morgan, Samantha Azzarello, qui pense que la décision de Draghi va payer sur le long terme, que le fait de rallonger le QE est plus important que de l’augmenter. Le seul problème, c’est qu’actuellement, l’investisseur moyen a un horizon d’investissement qui ne dépasse pas la semaine prochaine, alors autant vous dire que ce qui va se passer dans deux ans, il s’en fiche comme de son premier Nokia 6210.
Et puis, comme LA nouvelle d’hier semble nous ramener sur la terre ferme, on peut tout de même se raccrocher à un peu de rêve avec l’annonce qu’UBER a encore levé des fonds et se valorise dorénavant à près de 62.5 milliards de dollars et n’a toujours pas fait le moindre pas en avant pour se faire traiter en bourse.
Dans le Barron’s on commente la performance des Hedge Funds cette année, encore une fois, ça n’a pas été terrible. Selon CNBC, c’est la quatrième pire année pour le secteur depuis l’invention du Hedge Funds. Seules 2002, 2011 et 2008 on fait mieux en terme de pire. Ils reviennent d’ailleurs sur le fait que l’ensemble des médias sont en train de leur « faire la peau en terme d’image ». Je ne serai donc pas surpris que 2016 soit L’ANNÉE carton plein pour les Hedge Funds. C’est en général quand on ne veut plus entendre parler, quand on n’en veut plus dans nos portefeuilles que tout s’inverse. La bonne vieille théorie du contrariant.
Autrement le journal pense que CBS Peut monter de 30% et que l’on peut chuter encore facilement de 15% sur l’or – ça je l’ai déjà dit hier, mais c’est pour dire que maintenant c’est plus 15%, mais 16% – vu qu’il est remonté péniblement hier.
Ce vendredi 4 décembre a deux choses particulières à retenir :
1) apparemment les fonctionnaires genevois ne font pas grève. Il faut les en féliciter, ils bossent le lundi et le vendredi, alors qu’ils pourraient lâchement en profiter pour partir en week-end, mais avec 8’600 balles de salaire moyen, ils sont tout de même très pros, alors ils viennent tout de même travailler vendredi. Je propose que l’on se lève tous pour les applaudir.
2) Cette après-midi, il y aura les chiffres de l’emploi. Pour faire simple, si le taux de chômage reste en dessous des 5% et que les créations d’emplois sont supérieures à 200’000, c’est le feu vert pour Yellen et ses taux. Point final.
2) Cette après-midi, il y aura les chiffres de l’emploi. Pour faire simple, si le taux de chômage reste en dessous des 5% et que les créations d’emplois sont supérieures à 200’000, c’est le feu vert pour Yellen et ses taux. Point final.
Actuellement, les futures sont légèrement en hausse, tellement légèrement que je ne me permettrai pas d’appeler ça un « rebond technique », l’Euro/$ est à 1.0938, le Yen vaut 122.52, le Dollar/Suisse s’est fait laminer aussi et revient sous les 1 à 0.9923, mais pas l’Euro/Suisse qui reste imperturbable à 1.0854. Le rendement du 10 ans US est remonté à 2.3% et le Bitcoin se traite à 355$.
Voilà, les monnaies dirigent donc le monde on dirait, le microcosme économico financier qui est était devenu comateux ces derniers jours, vient de se réveiller et c’est au docteur Yellen de mettre tout le monde d’accord d’ici que le Père Noël vienne livrer les cadeaux.
En ce qui me concerne, il me reste à vous souhaiter une belle journée et un très beau week-end et on se retrouve au plus tard lundi matin.
Bon week-end !
Thomas Veillet
Investir.ch
Investir.ch
“There seems to be an unwritten rule on Wall Street: If you don’t understand it, then put your life savings into it.”
– Peter Lynch
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