La décision du FMI d'inclure le Renminbi dans son panier
de devises marque l'affirmation de la monnaie chinoise au cœur de la finance
mondiale. Et ce n’est pas qu’une mesure symbolique. Des projets tels que la
Nouvelle route de la soie illustrent l'ambition chinoise de jouer un plus grand
rôle à l'international.
Il ne faut pas sous-estimer l’importance de
l’entrée du renminbi dans le système des DTS du FMI. Le renminbi rejoint ainsi
le dollar, la livre, le yen et l’euro et fait désormais partie du
« club » des devises internationales. Cette décision du FMI consacre
les efforts des autorités chinoises visant à conférer à leur devise nationale
un statut international plus conforme à la place de la Chine dans l’économie
mondiale. Le FMI avait imposé plusieurs prérequis à cette intégration,
notamment le fait que le yuan doit être « largement utilisé » dans
les transactions internationales et « librement disponible » à
l’image des autres devises DTS.
En ce qui concerne le premier point, la
Chine a rempli les conditions requises. Entre 2012 et 2014, le renminbi est
passé de la 13ème à la 5ème place des devises les plus utilisées dans le monde.
Pour le second point, la Chine maintient son contrôle sur les capitaux mais le
FMI espère, avec cette décision, forcer la main du pays à moyen terme pour
qu’il laisse sa monnaie s’apprécier sous la pression des marchés. Il s’agit
donc ici plutôt d’intégrer la devise au système international et de pousser la
Chine sur le chemin de la réforme de son système financier.
Entre 2012 et 2014, le renminbi est
passé de la 13ème à la 5ème place des devises les plus utilisées dans le monde.
Mais plus qu’un symbole, il faut y voir une
récompense pour les efforts chinois. Le développement du renminbi sur les
marchés internationaux vient s’intégrer à une stratégie plus large et à plus
long terme : réduire la dépendance au dollar et, un jour, parvenir à créer
une « zone renminbi » à l’image de la zone dollar.
La "Nouvelle route de la soie" booste le
Renminbi 

Le grand projet de Xi Jinping, « One
Belt, One Road » (OBOR) est le nouveau terrain de jeu de la Chine, dans
lequel elle entend construire des projets et exporter ses savoir-faire. OBOR
consiste à recréer une nouvelle route de la soie entre la Chine et l’Asie
centrale, mais aussi l’Europe, l’Afrique et l’Amérique latine, en multipliant
notamment les investissements dans le domaine des infrastructures de transports
et énergétiques. Cela sera également un puissant vecteur de développement du
renminbi, en faisant de lui le véhicule financier permettant aux grandes
entreprises chinoises (le plus souvent publiques) de lever des capitaux sur les
grands marchés financiers mondiaux. La China Development Bank (CDB) vient
d’indiquer que près de 900 projets OBOR étaient en cours ou prévus, pour un
montant total de 890 milliards de dollars, dont le financement sera assuré
majoritairement par les grandes institutions financières chinoises comme la
CDB, la China Ex-Im Bank, la nouvelle Asia Infrastructure Investment Bank (AIIB)
et le fond souverain Silk Road. Et l’on constate déjà les effets de « One
Belt, One Road » : au cours des dix premiers mois de 2015, les
investissements chinois à l’étranger ont bondi de plus de 16 % par rapport
à la même période de 2014, pour atteindre 92,5 milliards de dollars, dont près
de 14 milliards au titre de cette nouvelle route de la soie.
Le marché obligataire chinois deviendra-t-il une
alternative attractive pour les investisseurs étrangers ?
L’objectif des autorités chinoises est de
profiter des abondantes liquidités et des taux d’intérêt attractifs sur les
marchés américains et européens. De ce point de vue, on ne peut que souligner
les efforts de la City pour devenir le centre européen de
l’internationalisation du renminbi. Deux grandes banques publiques chinoises
viennent d’y réaliser des émissions obligataires, partiellement en renminbi,
qui ont été sursouscrites par les investisseurs en raison de la qualité de la
signature des émetteurs et du taux offert (4,2 %) alors que la dette souveraine
allemande ou française propose des rémunérations bien inférieures.
La Banque centrale de Chine a également
commencé à émettre à Londres des obligations d’Etat à un an, au taux de
3,1 % (contre 2,4 % en Chine), et la première tranche de 5 milliards de
renminbis (l’équivalent de 737 millions d’euros) a attiré des ordres d’un total
de 30 milliards de renminbis (environ 4 milliards d’euros), ce qui en dit long
sur l’attractivité de la dette chinoise aux yeux des investisseurs
internationaux.
L’objectif des autorités
chinoises est de profiter des abondantes liquidités et des taux d’intérêt
attractifs sur les marchés américains et européens.
Malgré tout, abstenons-nous de réagir de
façon excessive à ces chiffres impressionnants : la part du renminbi dans le
commerce mondial reste modeste puisqu’il n’en représente que 3 % du total.
Et bien plus encore, les interventions politiques de l’été dernier destinées à
mettre un terme au crash boursier ont atteint leurs objectifs mais au prix
d’une grande défiance des investisseurs internationaux, jamais très friands du
moindre interventionnisme. Ainsi, même si S&P attribue la note AA à la
Chine, il est très probable que les investisseurs privés vont suivre
attentivement les progrès concernant l’ouverture des marchés de capitaux avant
d’augmenter leur exposition au renminbi.
Dans l’ensemble, il ne semble pas que la
Chine soit prête à complètement « laisser les rennes au marché ». Les
prochains mois seront donc cruciaux pour mesurer les conséquences réelles du
passage du renminbi au statut de monnaie de réserve. Entre‑temps, la Chine peut
savourer cette victoire qui n’est pas que symbolique : le renminbi,
littéralement « la monnaie du peuple », est la première devise
émergente à intégrer le système du FMI. Le système monétaire international est
entré dans une nouvelle ère.
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