jeudi 1 octobre 2015

Investissement Passion – Investir dans les grands vins (II) : Quelques critères à observer

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Après avoir abordé dans un premier article les conditions cadres réunies pour l’investissement dans les grands vins, deux questions se posent désormais par rapport à ces grands vins.
1.     Comment définit-on ce marché ?
2.     Quels sont les critères à considérer pour qu’un grand vin soit une valeur d’investissement ?
Bien que presque tout le monde ait un avis sur le sujet, il n’est pas facile de clairement définir ces 2 éléments. Tout d’abord et en ce qui concerne l’univers des grands vins, il faut bien se rendre à l’évidence que l’écrasante majorité des vins du monde ne correspond pas aux critères que nous allons aborder ci-dessous. En effet, des vins sans réel potentiels de garde, de piètre qualité ou produits en quantité considérable rendent une appréciation en terme de prix improbable, voire tout simplement impossible. Les différents linéaires de vos supermarchés favoris illustrent à merveille ce segment dominant !
Selon différentes sources, le marché du vin est estimé à environ 200 milliards d’euro de chiffres d’affaire annuel. Cela comprend tous les vins vendus et consommés sur la planète. Seule une infime partie (entre 1 et 2%) correspond à l’univers des grands vins. La part du lion revient tout naturellement à Bordeaux qui occupe environ 70% de ce marché, suivi principalement par la Bourgogne, le Rhône, la Champagne, la Toscane et le Piémont. Dans ce créneau, la domination du vieux continent est absolue, mise à part quelques grands crus californiens à considérer !
Les grands vins de Bordeaux dominent de la tête et des épaules ce monde compte tenu de son histoire séculaire, de son classement prestigieux établi en 1855 lui assurant notoriété sur ses marchés à l’export, de la taille de ses châteaux associés à la puissance des marques établies.
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Le classement de 1855 selon Carl Laubin
En ce qui concerne les différents critères à observer, les spécialistes s’accordent à reconnaître 5 éléments bien distincts qui doivent œuvrer de concert pour qu’un cru fasse partie de l’univers d’investissement.
1.     L’origine
2.     La longévité
3.     La capacité d’appréciation en terme de prix
4.     La liquidité
5.     Les notes

1.     L’origine
Le vin doit être produit par un château, un domaine ou un producteur synonyme de qualité et de prestige. Le nom Rothschild, par exemple est intéressant. Au-delà des sublimes Château Mouton et Lafite (deux premiers grands crus classés, appartenant historiquement à deux branches distinctes d’une même famille), il existe aussi Mouton Cadet : un vin de marque appartenant à Mouton Rothschild, vendu à plusieurs millions de cols par an et sans aucune comparaison qualitative avec ses illustres cousins ! Idem pour les 3èmes vins « créés » récemment dans les plus célèbres châteaux. Les grands amateurs de Bourgogne connaissent également bien les pièges des appellations et des producteurs. Il ne suffit pas de produire un vin à Vosne-Romanée pour être assuré de figurer dans le gotha des grands vins ! Encore faut–il que le propriétaire ait un historique qualitatif et prestigieux. Caveat emptor !
2.            La longévité
Un grand vin doit être capable de vieillir sur plusieurs décennies et ne devrait pas atteindre son pic qualitatif avant une dizaine d’années. Le vin, matière vivante, peut vieillir sans problème s’il est bien conservé. Mais seuls les plus grands vins dans les grands millésimes ont cette capacité unique à traverser l’histoire contemporaine et à se bonifier avec le temps avant d’atteindre un optimum qualitatif. Les plus grands millésimes (1945, 1961, 1982, 1990, 2000, 2005 2009 et 2010) sonnent comme du papier à musique pour les grands amateurs, collectionneurs et autres investisseurs de ces précieux flacons.
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6 btes de Latour 1961 en provenance des caves du Gouvernement anglais vendu aux enchères en 2013


3.            La capacité d’appréciation en termes de prix
Le vin en question doit pouvoir démontrer de manière consistante une appréciation en termes de valeur. « Ce qui est rare est cher » vaut également dans le monde des grands vins. Difficile aujourd’hui de mettre la main sur une caisse de votre cru classé préféré à Bordeaux – millésime 1982 – sans devoir sacrifier une partie de vos économies, alors qu’ils ne valaient que quelques francs à l’époque ! La politique de vouloir acheter systématiquement des grands vins dans des petits millésimes n’est pas la plus heureuse…
Cette appréciation en terme de prix a quelque peu été faussée ces dernières années avec le marché haussier (cf. article précédent) et la déconvenue survenue lors du marché baissier qui s’en est suivie. Historiquement et avant la fin de cette période haussière, différentes études ont démontré la capacité des grands vins à générer des rendements annualisés à deux chiffres sur près de deux décennies.
4.La liquidité
Le vin doit être produit en quantité suffisante pour exister afin de pouvoir être négocié sur le marché secondaire tout au long de sa vie. Ni trop – ni trop peu en quelque sorte ! Les quelques rares bouteilles de TBA du célèbre Egon Müller en Allemagne produisant le liquoreux le plus cher de la terre attisent la soif des plus grands collectionneurs lors de différentes ventes aux enchères. Ces vins disparaissent presque à tout jamais au fond de leurs caves. Ce même problème se pose souvent avec certains des plus grands crus de Bourgogne, où il n’y a tout simplement pas de marché secondaire. C’est le règne de l’illiquidité ! A l’opposé, une production trop importante ne permettra jamais au vin de s’apprécier. Les 10 millions bouteilles annuellement produites par Veuve Clicquot (groupe LVMH) pour son champagne de base en atteste. A nouveau Bordeaux tire son épingle du jeu avec des nombreux crus qualitatifs produisant environ 100’000 bouteilles par année et assurant une existence réelle à travers le temps et les différents réseaux de distributions (de la restauration, aux magasins de vins, ventes aux enchères en passant par les amateurs et collectionneurs ainsi que les marchands).

trbsaLe TBA de Egon Müller : aussi rare d’un tigre blanc !

5.            Les notes
Typiquement tous les grands vins sont accompagnés aujourd’hui d’une large couverture médiatique des principales critiques influentes (en majorité anglo-saxonnes) : le dieu Parker et ses nombreux apôtres (depuis la vente du Wine Advocate), le Wine Spectator, James Suckling et Antonio Galloni notamment consacrent l’essentiel de leur temps à publier le prochain rapport de dégustation capable d’influencer les prix… A l’ère des media sociaux, leur travail fonctionne à merveille ! A notre avis, la multitude des points de vues tend à diminuer leur influence (à l’image des nombreux analystes couvrant les marchés actions) mais aussi à rendre l’information plus parfaite. Il est toujours intéressant d’observer l’impact de ces leaders d’opinion. Fin juin 2015, Parker publiait sa mise à jours des Bordeaux 2005 (après 10 ans de bouteilles) : l’ensemble du millésime a subi un upgrade qualitatif et le nombre de vins qui ont 100 points se portent à désormais 12 (contre 9 auparavant). Le marché avait en grande partie anticipé cette hausse depuis le début de l’année et suite à la publication nous avons assisté à une prise de bénéfice sur ces grands crus.
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Evolution des prix de quelques Bordeaux 2005 depuis janvier 2015 (source Liv-ex)

En guise de conclusion, ces différents critères à observer nous servent de guide et devraient vous permettre également, nous l’espérons aussi, de mieux cibler vos prochains achats personnels en fonction de vos besoins (consommation rapide, création d’un patrimoine ou investissement en souvenir d’une naissance par exemple). In fine, l’univers d’investissement des grands vins comportent environs une cinquantaine de noms. Ajouté à cela le jeu des différents millésimes et vous obtiendrez un bel échiquier !
Alexandre Challand
ac@vintageinvestments.ch
Vintage Investments AG

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