Après avoir abordé dans un premier article les conditions cadres
réunies pour l’investissement dans les grands vins, deux
questions se posent désormais par rapport à ces grands vins.
1.
Comment définit-on ce marché ?
2.
Quels sont les critères à
considérer pour qu’un grand vin soit une valeur d’investissement ?
Bien que
presque tout le monde ait un avis sur le sujet, il n’est pas facile de
clairement définir ces 2 éléments. Tout d’abord et en ce qui concerne l’univers
des grands vins, il faut bien se rendre à l’évidence que l’écrasante majorité
des vins du monde ne correspond pas aux critères que nous allons aborder
ci-dessous. En effet, des vins sans réel potentiels de garde, de piètre qualité
ou produits en quantité considérable rendent une appréciation en terme de prix
improbable, voire tout simplement impossible. Les différents linéaires de vos
supermarchés favoris illustrent à merveille ce segment dominant !
Selon
différentes sources, le marché du vin est estimé à environ 200 milliards d’euro
de chiffres d’affaire annuel. Cela comprend tous les vins vendus et consommés
sur la planète. Seule une infime partie (entre 1 et 2%) correspond à l’univers
des grands vins. La part du lion revient tout naturellement à Bordeaux qui
occupe environ 70% de ce marché, suivi principalement par la Bourgogne, le
Rhône, la Champagne, la Toscane et le Piémont. Dans ce créneau, la domination
du vieux continent est absolue, mise à part quelques grands crus californiens à
considérer !
Les grands vins de
Bordeaux dominent de la tête et des épaules ce monde compte tenu de son
histoire séculaire, de son classement prestigieux établi en 1855 lui assurant
notoriété sur ses marchés à l’export, de la taille de ses châteaux associés à
la puissance des marques établies.
Le
classement de 1855 selon Carl Laubin
En ce qui concerne les
différents critères à observer, les spécialistes s’accordent à reconnaître 5
éléments bien distincts qui doivent œuvrer de concert pour qu’un cru fasse
partie de l’univers d’investissement.
1. L’origine
2. La longévité
3. La capacité d’appréciation en terme de prix
4. La liquidité
5. Les notes
1. L’origine
Le vin doit être
produit par un château, un domaine ou un producteur synonyme de qualité et de
prestige. Le nom Rothschild, par exemple est intéressant. Au-delà des sublimes
Château Mouton et Lafite (deux premiers grands crus classés, appartenant
historiquement à deux branches distinctes d’une même famille), il existe aussi
Mouton Cadet : un vin de marque appartenant à Mouton Rothschild, vendu à
plusieurs millions de cols par an et sans aucune comparaison qualitative avec
ses illustres cousins ! Idem pour les 3èmes vins « créés »
récemment dans les plus célèbres châteaux. Les grands amateurs de Bourgogne
connaissent également bien les pièges des appellations et des producteurs. Il
ne suffit pas de produire un vin à Vosne-Romanée pour être assuré de figurer dans
le gotha des grands vins ! Encore faut–il que le propriétaire ait un
historique qualitatif et prestigieux. Caveat emptor !
2.
La longévité
Un grand vin doit être
capable de vieillir sur plusieurs décennies et ne devrait pas atteindre son pic
qualitatif avant une dizaine d’années. Le vin, matière vivante, peut vieillir
sans problème s’il est bien conservé. Mais seuls les plus grands vins dans les
grands millésimes ont cette capacité unique à traverser l’histoire
contemporaine et à se bonifier avec le temps avant d’atteindre un optimum
qualitatif. Les plus grands millésimes (1945, 1961, 1982, 1990, 2000, 2005 2009
et 2010) sonnent comme du papier à musique pour les grands amateurs,
collectionneurs et autres investisseurs de ces précieux flacons.
6
btes de Latour 1961 en provenance des caves du Gouvernement anglais vendu aux
enchères en 2013
3.
La capacité d’appréciation en termes de
prix
Le vin en question
doit pouvoir démontrer de manière consistante une appréciation en termes de
valeur. « Ce qui est rare est cher » vaut également dans le monde des
grands vins. Difficile aujourd’hui de mettre la main sur une caisse de votre
cru classé préféré à Bordeaux – millésime 1982 – sans devoir sacrifier une
partie de vos économies, alors qu’ils ne valaient que quelques francs à
l’époque ! La politique de vouloir acheter systématiquement des grands
vins dans des petits millésimes n’est pas la plus heureuse…
Cette appréciation en
terme de prix a quelque peu été faussée ces dernières années avec le marché
haussier (cf. article précédent) et la déconvenue survenue lors du marché
baissier qui s’en est suivie. Historiquement et avant la fin de cette période
haussière, différentes études ont démontré la capacité des grands vins à
générer des rendements annualisés à deux chiffres sur près de deux décennies.
4.La liquidité
Le vin doit être produit
en quantité suffisante pour exister afin de pouvoir être négocié sur le marché
secondaire tout au long de sa vie. Ni trop – ni trop peu en quelque
sorte ! Les quelques rares bouteilles de TBA du célèbre Egon Müller en
Allemagne produisant le liquoreux le plus cher de la terre attisent la soif des
plus grands collectionneurs lors de différentes ventes aux enchères. Ces vins
disparaissent presque à tout jamais au fond de leurs caves. Ce même problème se
pose souvent avec certains des plus grands crus de Bourgogne, où il n’y a tout
simplement pas de marché secondaire. C’est le règne de l’illiquidité ! A
l’opposé, une production trop importante ne permettra jamais au vin de
s’apprécier. Les 10 millions bouteilles annuellement produites par Veuve Clicquot
(groupe LVMH) pour son champagne de base en atteste. A nouveau Bordeaux tire
son épingle du jeu avec des nombreux crus qualitatifs produisant environ
100’000 bouteilles par année et assurant une existence réelle à travers le
temps et les différents réseaux de distributions (de la restauration, aux
magasins de vins, ventes aux enchères en passant par les amateurs et
collectionneurs ainsi que les marchands).
5.
Les notes
Typiquement
tous les grands vins sont accompagnés aujourd’hui d’une large couverture
médiatique des principales critiques influentes (en majorité
anglo-saxonnes) : le dieu Parker et ses nombreux apôtres (depuis la vente
du Wine Advocate), le Wine Spectator, James Suckling et Antonio Galloni
notamment consacrent l’essentiel de leur temps à publier le prochain rapport de
dégustation capable d’influencer les prix… A l’ère des media sociaux, leur
travail fonctionne à merveille ! A notre avis, la multitude des points de
vues tend à diminuer leur influence (à l’image des nombreux analystes couvrant
les marchés actions) mais aussi à rendre l’information plus parfaite. Il est
toujours intéressant d’observer l’impact de ces leaders d’opinion. Fin juin
2015, Parker publiait sa mise à jours des Bordeaux 2005 (après 10 ans de
bouteilles) : l’ensemble du millésime a subi un upgrade qualitatif et le
nombre de vins qui ont 100 points se portent à désormais 12 (contre 9
auparavant). Le marché avait en grande partie anticipé cette hausse depuis le
début de l’année et suite à la publication nous avons assisté à une prise de
bénéfice sur ces grands crus.
Evolution des prix de quelques Bordeaux 2005 depuis janvier 2015
(source Liv-ex)
En guise
de conclusion, ces différents critères à observer nous servent de guide et
devraient vous permettre également, nous l’espérons aussi, de mieux cibler vos
prochains achats personnels en fonction de vos besoins (consommation rapide,
création d’un patrimoine ou investissement en souvenir d’une naissance par
exemple). In fine, l’univers d’investissement des grands vins comportent
environs une cinquantaine de noms. Ajouté à cela le jeu des différents
millésimes et vous obtiendrez un bel échiquier !
Alexandre
Challand
ac@vintageinvestments.ch
Vintage
Investments AG
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire