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Pascale Senk - le 25/09/2015
INTERVIEW - Serge Tisseron, psychiatre et psychanalyste, vient de publier «Le Jour où mon robot m'aimera. Vers l'empathie artificielle» (Éd. Albin Michel).
LE FIGARO. - Jusque-là, vous avez beaucoup étudié nos relations aux écrans et aux objets numériques. Aujourd'hui, ce sont les robots qui vous intéressent. Y a-t-il urgence à s'en préoccuper?
Serge Tisseron.
Enfin, en donnant à chacun d'entre nous un interlocuteur «sur mesure», les robots risquent de modifier l'idée que nous nous faisons d'une rencontre et d'un échange réussis. Nous aurons envie de rencontrer des partenaires aussi gratifiants et prévisibles que ces machines et cela risque de nous rendre encore plus intolérants au désaccord et aux frustrations qui accompagnent inévitablement la vie avec nos semblables. Ces problèmes ne sont pas sans solution. Mais à condition que nous osions et sachions nous poser dès aujourd'hui les bonnes questions.
Faut-il craindre ces machines pourtant très aidantes?
Tout dépendra des programmes qui seront implémentés dans les robots. Pour comprendre ce qui va se passer, on peut prendre l'exemple de deux technologies omniprésentes aujourd'hui: la télévision et Internet. Pour simplifier, disons que la télévision nous propose d'y trouver ce qui nous fait envie, et qu'Internet nous propose d'entrer en relation avec ceux qui s'intéressent aux mêmes choses que nous. Ce sont exactement les deux modèles des relations que nous pourrons avoir demain avec les robots.
Un robot domestique pourra proposer à une personne âgée de jouer avec elle, de réaliser une recette de cuisine pour elle… Mais il pourra aussi proposer à cette personne de raconter les souvenirs d'un événement important, de mettre ceux-ci sur Internet, de l'aider à rencontrer d'autres personnes intéressées par les mêmes sujets qu'elle… On peut même imaginer que le robot, à un moment, s'efface parce qu'il aura rempli son rôle de médiateur.
Nos enfants seront évidemment aux premières loges de cette évolution. Comment les préparer à ce nouveau monde?
Tout d'abord, en les invitant à découvrir, respecter et aimer l'environnement naturel et toutes les extraordinaires occasions qu'il offre de s'émerveiller. Ensuite, en favorisant l'apprentissage du langage de la programmation associé à la fabrication de robots, afin que le statut de machines qui leur revient puisse le moins possible être oublié. Enfin, en mettant en place des programmes éducatifs destinés à développer dans les écoles la capacité d'empathie, mais aussi le goût du débat et de la controverse, afin que nos enfants ne perdent jamais le goût de l'humain.
Quelle aptitude humaine vous semble encore inaccessible aux robots?
L'espoir, qui est une vertu proprement humaine. Et même si dans certains cas les robots sont doués d'initiative, ils y parviennent de manière mécanique. La capacité d'espérer, elle, invite l'homme à se programmer de manière non mécanique. C'est en cela qu'on peut dire qu'elle «nous fait vivre».
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