mercredi 2 mars 2016

La théorie du « moins pire » Par Thomas Veillet · Le 2 mars 2016

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CHRONIQUE MATINALE0

La théorie du « moins pire »


« À poil les shorts ». Cette expression est une de celles qui est souvent utilisée dans une salle de trading. Je crois qu’hier elle a dû faire partie des 4 mots les plus utilisés dans le monde merveilleux de la finance.
Hier matin je vous disais que statistiquement, le premier tiers du mois de mars était souvent très bon, en terme de performance sur les indices boursiers, il semblerait que l’on ait décidé de faire toute la performance dans les trois premiers jours. En tous les cas, il faut reconnaître que la hausse d’hier à de quoi surprendre.
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Tout d’abord le marché semblait totalement scotché dans une espèce de couloir sans fenêtre avec aucun espoir de parvenir à en sortir un jour – surtout avec l’absence totale de catalyste visible et plausible – pendant un moment, hier, je me suis même résigné à me dire que nous allions rester plantés là, entre 1812 et 1947 pour le reste de l’année et que le premier janvier 2017, on me retrouverait momifié devant mon écran, tellement l’ennui aura été grand.
Eh bien non, le S&P500 est sorti magistralement de son « range » et par le haut, forcément, vu que tout le monde s’attendait à le voir sortir par le bas et que TOUT le monde s’attendait à un krach et s’acharnait à trouver la date exact de ce dernier. Alors que là, tout à coup, on peut raisonnablement se demander si le mot « Bear Market » a encore du sens dans ce marché. Est-ce que l’ours a soudainement des problèmes de faiblesse dans le genou..
Une chose est sûre, hier matin personne ou pas grand-monde n’aurait parié sur une séance aussi forte à la hausse, c’est d’ailleurs la meilleure séance depuis le 29 janvier (ce qui n’est pas tellement compliqué, vu l’ambiance pourrie ces dernières semaines) et c’est surtout le meilleur « premier jour de mars », pour ceux qui aiment les statistiques.
La question que l’on peut donc se poser, c’est : « mais qu’est-ce qui a bien pu se passer » – la réponse est simple : RIEN.
Enfin, non, ce n’est pas exact. Mais au vu de la séance d’hier, si l’on débarquait de la planète Mars après 5 ans d’absence, on aurait pu se dire : « tiens, la FED a fait quelque chose » ou « tiens, Draghi a encore du parler et dire qu’il allait faire ce qu’il fallait faire » ou encore « tiens, la saison des résultats a dû être juste fantastique », mais que nenni. Les raisons de la hausse sont, comme la vérité, ailleurs.
Après avoir cherché pendant des heures les raisons qui pourraient avoir motivé le marché de monter comme cela, on peut identifier plusieurs suspects :
En premier, il y a le toujours très grand classique ; le pétrole. En effet, nous n’avons pas complètement oublié ce dernier, puisqu’hier, après un mauvais début de journée, il s’envolait et montait de 1.9%. Il semblerait que, 1.9% de hausse sur le baril soit une des causes de l’emballement du marché hier. Il faut reconnaître que 1.9% de hausse par rapport aux 12% d’il y a deux semaines, peut paraître ridicule, mais c’est aussi le fait que le prix du baril semble vouloir s’établir au-dessus des 34$, ce qui équivaudrait à casser une résistance technique importante et qui pourrait ouvrir la porte à toutes les fenêtre pour l’avenir du prix du pétrole. De plus, chaque cents à la hausse sur le baril éloigne la perspective de voir le baril descendre à 20$ (objectif prévu par la majorité des experts), 20$ qui signifierait la mort cérébrale de plusieurs économies locales pour lesquelles ce n’est pas encore fait.
trumpIl y a d’ailleurs des rumeurs comme quoi certaines banques américaines, spécialisées dans les « prévisions boursières, retour de l’être aimé et guérisons à distance » ont commencé à déporter certains de leurs « experts en pétrole » dans le désert de Gobi afin qu’ils voient s’ils trouvent du pétrole à 20$ là bas…
Ce matin le baril est à 33.97$ et la hausse du baril hier était clairement un des catalystes de la veille, même si la hausse de ce dernier pouvait paraître anémique, en ce moment, c’est surtout l’impact psychologique qui compte.
Autre justification pour tirer à vue sur les shorts hier : La Chine qui semble faire des tentatives pour stimuler leur économie. Ça c’est le serpent de mer. La Chine fait des tentatives tous les trois jours et la plupart du temps, on s’en tape comme de notre première Porsche de collection de 1971 et des fois c’est notre préoccupation principale et on trouve ça trop « cool » qu’ils fassent des efforts pour rallumer le feu, comme disait Johnny. Hier c’était une journée où nous étions réceptifs aux arguments bullishs avancés par les bulls dans un marché où la viande de plantigrade était en solde.
D’ailleurs, ce côté « verre à moitié plein de champagne » était très présent hier, puisqu’un des points qui a fait TRÈS TRÈS plaisir à Monsieur Marché, c’est les chiffres économiques. Pourtant, globalement, et mis à part les ventes de voitures, ce n’était de loin pas l’euphorie. Mais UN des chiffres qui ressortait le plus hier, c’était le chiffre de l’ISM qui était en baisse pour le xième mois consécutif et qui montrait que l’on était plutôt en mode « contraction-repli-sur-soi-même-non-non-laissez-moi-tranquille-je-ne-veux-voir personne », qu’en mode « je danse tout nu sur la table du salon en m’arrosant de champagne ». MAIS.. Parce que ce mardi 1er mars était la journée du MAIS…
MAIS, l’interprétation de ce chiffre a été totalement différente que celle que l’on aurait pu avoir en pensant bêtement au premier degré. Non, hier le marché s’est dit : « Ok, les chiffres de l’ISM sont encore en baisse pour le xième mois consécutif, mais il faut reconnaître QU’IL BAISSE MOINS QUE QUE LE MOIS PRÉCÉDENT, C’EST DONC VISIBLEMENT « MOINS PIRE !!! » ET SI C’EST « MOINS PIRE », C’EST QUE C’EST CARRÉMENT UNE BONNE NOUVELLE !!!
Voilà, vous pouvez retourner vous coucher, c’est pour ces trois raison que le Dow Jones montait de 2.11%, que le S&P500 bondissait de 2.9%, que le Nasdaq sautillait de 2.37%, que le DAX s’envolait de 2.33%, que le CAC40 grapillait 1.23%, que le MIB prenait 2.2% et que le SMI jumpait de 1.5%.bullshit
Elle pas facile la vie de l’investisseur quand on applique la théorie du « moins pire » ???
Et puis le plus beau, c’est que ça continue ce matin. Et en plus avec l’aide de Moody’s. En effet, ce matin ou cette nuit, pour être franc ça ne fait aucune différence, la brillante agence de rating a annoncé qu’ils « baissaient leurs prévision sur la dette chinoise de stable à négatif », pour l’instant ils confirment le rating de Aa3 sur la dette long terme, mais ils s’autorisent à être plus négatifs à l’avenir.
C’est donc une excellente nouvelle, puisque la bourse chinoise vient de perdre près de 50% en 8 mois et que c’est exactement cet instant que Moody’s choisit pour se montrer méfiant. Il faut savoir qu’en général, les organismes de rating sont les meilleurs indicateurs inversés en terme de timing. Dès que l’un de ces trois clowns vient faire un downgrade « final » on peut être sûr que 9 fois sur 10, c’est le signal de la fin de la baisse. Manquerait plus que S&P vienne faire la même chose dans les 24 heures – ce qui est hautement probable, vu que ce sont des suceurs de roues – et je vide le compte épargne de mon Labrador pour racheter des actions chinoises.
D’ailleurs le marché ne s’y trompe pas, ce matin toute la l’Asie est dans le vert et de fort belle manière, vu que la Chine monte de 2.7%, Hong Kong fait de même et le Japon pète un câble et bondit de 4.3%.
Dans les nouvelles du jour, on apprend qu’Alan Greenspan est sorti du formol pour nous dire qu’il est « contre les taux négatifs », que Bill Ackman est au plus mal et que tout le monde se fiche de lui à cause de Valeant, mais en plus, là on est en train de commencer à critiquer son entêtement. BlackRock annonce qu’en cas de BREXIT, ça va mal se passer pour la £ivre et parle de « crise monétaire ». Tesla s’est pris 3% dans les dents hier soir alors que le « célèbre short-seller » Citron Research se met short sur la valeur avec un objectif à 100$ pour la fin de l’année, estimant que le « flot » de bonnes nouvelles est inexistant.
Côté élections aux USA ; Clinton et « Johnny mèche folle » ont gagné le « Super Tuesday ». Glencore prend une charge de 5.8 Milliards de dollars et annonce un profit en baisse de 32%. Et puis du côté du Barron’s, on pense que Berkshire Hathaway est sous-évalué. Ils aiment GE, JP Morgan, Invesco et Microsoft et suggèrent une liste de « top picks » dans le pétrole, il s’agit de : Pioneer Natural Resources (ticker: PXD ), Parsley Energy ( PE ) et Diamondback Energy ( FANG ). Pour ceux qui ont besoin de plus de calme, ils proposent : Oasis Petroleum ( OAS ); Energen ( EGN ); SM Energy ( SM ); et Laredo Petroleum ( LPI ).
Et puis gros coup de blues, en 2015 on a perdu des milliardaires. Je ne sais pas si je vais m’en remettre.
mixConcernant les chiffres économiques du jour, il y aura le GDP en Suisse, Kuroda qui va parler au Japon, le chômage en Espagne, le PPI en Europe, les demandes d’hypothèques aux USA, le Manufacturing PMI, les chiffres de l’emploi ADP, l’ISM NY – on espère qu’il baisse, mais moins que prévu, les inventaires pétroliers, le Beige Book et les Brésiliens qui feront connaître leur décision sur les taux.
Pour le moment les futures ont en hausse de 0.3%, à ce rythme-là, on va percuter les 2’000 points sur le S&P de plein fouet. L’Euro/$ est à 1.0859, le yen vaut 113.93, la £ivre est à 1.3967, le $/Suisse vaut 0.9991 et le rendement du 10 ans US est de 1.83%. Le Bitcoin s’échange à 432$ et l’Euro/Suisse est à 1.0850.
Voilà, c’est tout pour ce matin, en ce qui me concerne, c’est tout pour cette semaine et je vous retrouve lundi prochain à la même heure et au même endroit, en attendant on va se faire les chiffres de l’emploi de vendredi après-midi et la semaine prochaine on va l’entamer en spéculant sur ce qui Draghi dira ou ne dira pas, ou fera ou ne fera pas, lors de la réunion de la BCE jeudi prochain, le 10 mars.
En attendant, je vous souhaite une excellente fin de semaine et un très bon week-end.
Thomas Veillet
Investir.ch
« On a deux vies, et la deuxième commence le jour où l’on se rend compte qu’on en a qu’une »
Confucius
Serge Poznanski

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